Entretien avec David Ratte, dessinateur de Majipoor
1. Quel est votre parcours professionnel ?
Mon parcours professionnel a commencé il y a déjà 22 ans, quand, alors agé de
17 ans, j'ai abandonné mes études d'architecture d'intérieur pour me lancer
dans une (très courte) carrière de dessinateur publicitaire. Puis j'ai
travaillé dans un bureau d'études, pour finir comme responsable commercial dans
la métallurgie. Durant cette période (qui a duré quand même 15 ans), je me suis
lancé dans de nombreux projets BD mais sans jamais oser les présenter à un
éditeur. Finalement j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai participé à
un concours jeunes auteurs lancé par les éditions Delcourt. Etant arrivé deuxième du
concours, j'ai travaillé sur deux projets de série avec cet éditeur, mais
malheureusement les choses n'ont pas abouti! C'est alors que j'ai rencontré
Christophe Arleston lors d'un festival BD proche de chez moi (c'était la
première fois que je mettais les pieds dans un festival). Il a très gentiment
accepté de regarder mon travail et m'a proposé de faire des histoires courtes
pour le Lanfeust-Mag. Un an après, je créais Toxic Planet ma
première série parue aux éditions Paquet (3 albums), suivie du Voyage des
pères (série en cours) chez le même éditeur. Jusqu'au jour ou j'ai été
intégré au projet Majipoor.
2. Comment ce projet s'est-il présenté à
vous ?
Qu'est-ce qui vous a séduit chez lui ?
C'est Olivier Jouvray, que j'avais rencontré quelques mois auparavant et avec
qui j'avais fortement sympathisé, qui me l'a proposé. Il cherchait un
dessinateur pour la série.
Ce qui m'a séduit chez Olivier ? Outre le fait que c'est un bel homme, c'est un
excellent scénariste ... Ah ! Pardon ! C'était pas ça la question ? Bon alors
reprenons ... ce qui m'a séduit dans ce projet ... et bien vous le comprendrez
en lisant ma réponse à la question suivante.
3. Est-ce que vous connaissiez déjà le roman
originel ?
Oui, oui et oui ! En fait je suis un grand fan de Robert Silverberg depuis plus
de 25 ans. J'ai pratiquement lu tout ce qu'il a écrit.
Le château de Lord Valentin fait partie de mes romans préférés. Je
l'avais lu déjà une bonne dizaine de fois avant que le projet ne soit lancé.
J'avais même rêvé de l'adapter un jour en BD. Je n'imaginais pas alors que ce rêve
deviendrait réalité.
Sachant que j'étais un fan absolu du roman, Olivier ne pouvait faire autrement
que de me le proposer ... De toute façon s'il l'avait proposé à quelqu'un
d'autre, je crois que je l'aurais tué !
4. Comment travaille-t-on lorsqu'il s'agit
d'adapter une oeuvre en BD?
Est-ce que l'on aborde une adaptation de la même manière
que n'importe quel autre scénario?
Pour moi la nouveauté venait surtout du fait que pour la première fois je
n'écrivais pas mon scénario moi même, puisque jusqu'à présent j'avais scénarisé
et dessiné tous mes albums. C'était aussi un challenge pour moi de rester à ma place de dessinateur, sans
(trop) empiéter sur le travail d'Olivier. Il a fallu que je me fasse violence d'autant
plus que je connaissais le roman par coeur. Mais j'ai rapidement constaté qu'Olivier maitrisait sont sujet et je me suis
alors laissé porté par son scénario pour ne plus me concentrer que sur le
dessin et la mise en scène.
Par contre, tout l'imaginaire que j'avais développé lors de mes lectures du
roman m'a largement aidé. Chacun des personnage et des décors que j'ai dessiné
est exactement tel que je les avais imaginé il y a 20 ans.
5. Qu'est-ce qui a été le plus difficile dans
ce projet ?
Par nature je suis plutôt un dessinateur humoristique. Au début j'ai donc eu
beaucoup de mal a dessiner dans un style plus réaliste. Mes premiers croquis
(que personne ne verra jamais) étaient catastrophiques. Et je crois bien qu'à
ce moment là, Mélanie (la directrice de collection de Cherche Futurs) a été très
inquiète. En désespoir de cause j'ai laissé tomber les croquis préparatoires et
je me suis lancé dans une première planche test, ce qui a été le déclic. Retrouver
les personnages en situation m'a libéré de mes blocages.
6. Avez-vous des anecdotes à nous faire
partager sur cette série ?
L'un de enfants s'appelle Valentin ... en partie à cause du roman de Silverberg...ça ne s'invente pas ! Comme quoi, j'étais destiné à faire cette adaptation BD!
7. Que ressentez-vous quand un de vos albums
sort ?
Quand mon tout premier album est sorti, j'étais tellement ému que j'en
ai eu
les larmes aux yeux. Forcément aujourd'hui, alors que mes septième et
huitième albums
s'apprêtent à sortir, ça ne me fait plus tout a fait le même effet. Et
puis en
général, quand un album sort, je suis déjà en train de travailler sur le
suivant depuis quelques mois. Mais malgré tout, la sortie d'un album
reste un
évènement. Le moment ou j'en tiens un exemplaire entre les mains pour la
première fois constitue un moment privilégié ... qui me rappelle la
chance que
j'ai de faire ce métier. Et puis il y a toujours l'appréhension de
savoir
ce que les lecteurs vont en penser ... et de lire les premières
critiques.
8. Quels sont vos projets futurs ?
Oulà ! Il y en a beaucoup ! Actuellement je dessine le tome 3 de Majipoor.
En même temps, je mets la dernière main au troisième et dernier tome du Voyage
des pères qui sera bientôt suivi d'une nouvelle série parallèle. J'ai quelques projets de romans graphiques aussi. Plusieurs collaborations prévues
avec certains scénaristes et amis.
Et puis, pour faire suite à Majipoor, j'ai deux projets de SF actuellement en
discussion avec Soleil.